Les informations sur cette page proviennent d'une
pincée d'expérience personnelle, mais surtout de discussions
avec des experts et autres amateurs de beaux souliers que l'on pourra
retrouver sur le forum répondant au doux nom de Depiedencap (Méfiez-vous des pâles imitations, du style http://depiedencap.forum.eu
;-).
Date de dernière modification de cette page
au format américain (mois/jour/année) :
Le but de cette page est double. Il s'agit tout d'abord de concentrer en
un seul endroit à la fois des informations essentielles pour
acheter de beaux souliers, mais aussi pour bien les entretenir.
Attention : les informations ci-dessous datent de 2006 : les choses
ont pu changer depuis !
Les informations sur les chaussures de qualité sont difficiles
à trouver, alors qu'il suffit de creuser un peu pour
s'apercevoir qu'il n'y a rien de bien sorcier derrière tout
ça. Le bon prix,
pour de belles chaussures de ville en prêt à chausser, c'est
entre 200 et 500 euros, pour lesquels on peut trouver de belles
peausseries (durables et ne marquant pas trop) avec un montage
Goodyear (semelle débordant un peu et avec couture de
trépointe visible, mais beaucoup plus solide et durable que du
montage Rapide/Blake, notamment). Pour ce prix, on trouvera (dans l'ordre alphabétique,
liste non exhaustive) des
Altan (belles patines, formes modernes), Bowen (surtout pour leur superbe
derby One Cut), Carmina (entendu que du bien), Crockett &
Jones (généralement de très bonne qualité en
regard du prix), Donegan, Emling, Finsbury, Hardrige (bon
rapport qualité prix, surtout pour le cousu norvégien,
costaud), Heschung (pareil que Hardrige, anciennement Trappeur, et
récemment délocalisés en Hongrie), Malinge (bonne
qualité), Paraboot (un poil au dessus de
Hardrige/Heschung en qualité ?), Santoni, Shipton, Stefanobi, ...
avec (mais c'est un avis personnel à prendre comme tel) une
préférence certaine pour Crocket & Jones, et Paraboot /
Hardrige / Heschung (modèle Gingko) pour du plus costaud... Attention aux marques
italiennes si vous habitez dans une région humide... la tannerie
des cuirs laisse quelques fois à désirer, avec des cuirs qui
cloquent ou durcissent suite à des averses.
Dans la gamme de prix (mais pas forcément de qualité)
au dessus, on trouvera Aubercy,
Church's (mais je pense qu'il n'est un secret pour personne que
depuis leur rachat par Prada, la qualité de la finition et de la
peausserie a beaucoup baissé, contrairement aux prix),
Weston (aussi une baisse générale de qualité
ces dernières années et plus récemment sur la
qualité du cuir des semelles, qui s'usent très vite, mais
certains modèles restent incontournables, comme les Chasse).
Et enfin, pour ce qui se fait de mieux (mais pour un prix se rapprochant tout
de même des 1000 euros en prêt à chausser),
on trouve Pierre Corthay, Edward Green, et John Lobb (pour ces trois
marques, qualité des peausseries et de la finition absolument
irréprochable). À noter que pour ceux qui peuvent se
déplacer à Budapest, Vass est largement du niveau de
Corthay, Green ou Lobb (si ce n'est même beaucoup mieux car apparemment, leur montage
en Prêt À Chausser est cousu main alors que c'est du cousu machine pour les 3 autres
marques), mais pour la moitié du prix environ, ce qui finance
largement le voyage en compagnie low-cost notamment.
La tendance actuelle est à la baisse de qualité et à
la hausse des prix, surtout pour les marques rachetées par des
grands groupes de luxe, qui vendent le nom sans que la qualité ne
soit au rendez-vous. L'un des buts de l'écriture de cette page est de
lutter contre cette tendance, en informant les clients potentiels pour
qu'ils sachent mieux choisir et ne pas encourager à vendre
n'importe quoi pour des prix délirants.
Je n'ai pas cité dans cette liste les marques / fabricants ne
faisant pas de cousu Goodyear. C'est un choix personnel car je pense
qu'il y a une réelle différence de qualité entre un
montage Goodyear (avec trépointe et mur sur la première de
montage, et "rempli" en liège+colle pour épouser la forme
de la plante du pied) et un montage Rapide (aussi appelé Blake,
qui est un montage collé, auquel on a ajouté une couture de
part en part pour ajouter de la solidité). Un ami appelle cela le
"collé-ficelé." C'est une si belle description que je vais
la reprendre dans cette page. Méfiez-vous, car "grande marque"
n'est pas synonyme de qualité : beaucoup de grands groupes vendent
pour près de 1000 euros des souliers absolument
superbes, mais montés en collé-ficelé et avec un
cuir de qualité inférieure.
Ces prix peuvent paraître excessifs au béotien, ... et ils
le sont effectivement dans certains cas (notamment pour du
collé-ficelé :-). Mais il sont justifiés lorsque la peausserie et
le montage sont de grande qualité, garantissant une durée
de vie d'au moins 10 à 15 ans pour du cousu Goodyear si les
souliers sont correctement entretenus (cf. photos ci-dessous de Church's
Belmont et Chetwynd d'avant le rachat par Prada de 11 ans d'âge, ou les
souliers superbement entretenus
d'Alexis Boniface).
De plus, il faut savoir qu'on peut trouver certains de ces souliers en soldes (ce qui
peut les ramener à un prix plus raisonnable).
N'hésitons pas à dire des évidences : une paire
(bien entretenue) de chaussures à 300 euros ne revient qu'à...
30 euros par an si elle dure 10 ans (le minimum pour du cousu Goodyear).
A cela, il faut ajouter le prix de l'entretien (crême + pâte,
cf. ci-dessous) et les ressemelages ou changements de patins / fers
éventuels. Je n'inclus pas ce coût dans le prix de la chaussure,
car c'est un coût annuel fixe, quelque soit le nombre de chaussures
(en moyenne, si vous marchez suffisamment pour avoir besoin d'un
ressemelage par an, ce n'est pas parce-que vous possédez 10 paires
de chaussures qu'il faudra ressemeler 10 fois par an !). C'est comme les
pneus de voiture. Certains hésitent à acheter des pneus
neige, sans se rendre compte qu'à part le prix de la pose et des
jantes, l'utilisation de pneus neige est gratuite, car pendant qu'on use
ses pneus neige, on n'use pas les pneus ordinaires !
Donc, hors ressemelage ou repatinage qui sont des frais fixes liés
aux nombre de kilomètres que vous parcourez à pied par an,
bien se chausser (compter 20 à 30 euros par an) revient beaucoup
moins cher que d'acheter à 100 euros des chaussures qui ne durent
que 2 ans (et parfois moins : je pense notamment à des chaussures
"bateau" de marque connue que
pendant de nombreuses années, j'ai acheté à bien
plus de 100 euros et qui s'avachissaient au bout 2 mois, et dont les
semelles bâillaient au bout d'un an ou deux faute d'être
cousues).
De plus, vous prendrez aussi plus soin de la planète en ne
rentrant pas dans le consumérisme ambiant. Vivent les vieilles
voitures et les vieilles chaussures ! (Que ceux qui oseront dire que les
vieilles voitures polluent plus essaient d'imaginer le nombre de TEP
d'énergie fossile qu'il a fallu extraire de la planète pour
en construire une nouvelle).
Quoi qu'il en soit, comme d'habitude, en achetant de la qualité,
on en a pour son argent (mais encore faut-il savoir acheter et
entretenir). Les souliers de qualité ne sont donc
pas des choses jetables, mais au contraire de beaux objets que l'on porte
pendant de nombreuses heures, qui se bonifient avec le temps (le bel
âge, pour de beaux souliers, c'est une dizaine d'années)
et qui durent souvent bien plus longtemps qu'une voiture moderne.
Mais attention cela n'est valable qu'à la condition
d'en prendre soin et de bien les entretenir.
Voici donc une petite page à utiliser pour votre plaisir (mais
bien sûr, sans garantie aucune de ma part ;-).
Derby Vass en cousu trépointe avec double semelle.
Pour un éclaté (animé, s'il vous plaît !),
voir ici.
Un peu de vocabulaire
Bout dur et contreforts
En mesure, ce sont des morceaux de cuir rigide fixés à la colle de Vienne ou
à la colle de cerf entre la tige et la doublure,
à la pointe de la chaussure et au niveau des quartiers
arrière. En Prêt À Porter (PAP), les bouts durs et
contreforts sont thermocollés.
Le bout et les contreforts d'une chaussure doivent
être durs. Si l'on vous propose des chaussures dont le bout
est mou, passez votre chemin.
Bonbout
Dernière épaisseur du talon (en cuir ou en caoutchouc
ou en cuir avec un coin caoutchouc) en contact avec le sol.
Box calf
Cuir de veau tanné au chrome, avec un bel état de
surface lisse qui sert à fabriquer les tiges.
Cambrion
Petite lame de cuir, de bois ou de métal placée au
niveau de la cambrure du pied pour éviter que la chaussure ne
s'affaisse.
Claquage
Il s'agit de la façon dont les quartiers viennent se rapporter
sur l'empeigne. Dans le cas des richelieux, l'empeigne vient sur les
quartiers. Dans le cas d'un Derby, l'empeigne vient sous les quartiers
(les quartiers sont claqués sur l'empeigne).
Claque (ou empeigne)
Partie avant de la tige (sur le dessus du pied).
Couture petit point
Couture assemblant la trépointe à la semelle d'usure.
Couture de trépointe
Couture horizontale invisible assemblant la trépointe à
la tige et au mur de la première de montage.
Crôute de cuir
Après la refente d'un cuir épais en deux,
la feuille côté chair est appelée croûte de
cuir (la feuille côté peau est la fleur et est la seule
à pouvoir porter l'appellation "cuir").
Cuir gras
Cuir nourri contenant plus de 15% de d'huile.
Double
Semelle intermédiaire entre la première de montage et
la semelle d'usure, utilisée surtout sur les Derbys par essence rustiques.
Doublure
Doublure de cuir en "veau blanc" (peau tannée au chrome sans
pigment, pour être lisse et agréable au toucher)
collée (lors de l'apprêtage) et piquée (cousue) à l'intérieur
de la tige.
Embauchoir
Forme articulée en bois à introduire dans une chaussure encore humide et
chaude (après une journée de marche, par exemple) pour la
retendre et la faire sécher sans plis.
Empeigne (ou claque)
Partie avant de la tige (sur le dessus du pied).
Forme
Morceau de bois à la forme de la chaussure sur laquelle la
tige est affichée pour en prendre la forme (en mesure seulement)
pendant environ 48h.
Garants
Partie des quartiers recevant les oeillets (trous des lacets).
Humeur (en)
Comme c'est dit plus bas dans cette page (embauchoirs) le cuir est
principalement constitué de collagène emprisonné
dans des fibres. Lorsqu'il est humide, le collagène gonfle et perd
ses caractéristiques mécaniques (les fibres ne sont plus
collées entre elles car le collagène est "dissout"). Le
cuir est alors dit "en humeur" : il est gonflé, mou et peut
être étiré à ou plié à souhait. Lorsqu'il
sèche, le collagène perd en volume et reprend en
consistance, en maintenant les fibres dans la forme où elles sont
lors du séchage, d'où l'intérêt de mettre des
embauchoirs tant que le cuir est légèrement humide
(transpiration) et le laisser sécher sur une bonne forme (en
évitant les plis).
Lors de la fabrication d'une chaussure mesure, les bouts-durs,
contreforts, trépointe, bonbouts, sous-bouts sont mis en humeur,
ainsi que la première de montage, pour qu'elle puisse être
travaillée (pour sculpter le mur, notamment).
Lisse
Partie verticale de la semelle.
Patronnage
Disposition des patrons sur le box (peausserie à tige).
Plis d'aisance
Plis qui se forment sur l'empeigne lorsqu'on plie le pied. Les plis
marquent plus ou moins suivant la qualité et l'épaisseur du
cuir.
Pointure anglaise
La différence entre deux pointures anglaises est de 8,46
millimètres. L'écart étant plus important que pour
les pointures françaises, il y a plus souvent recours aux
demi-pointures. Le 8 correspond à du 42 en pointure
française.
Pointure française
Chaque unité correspondà 2/3 de centimètre
(6,666666 millimètres). La pointure française est donc plus
précise que la pointure anglaise. Le 42 correspond à du 8
en pointure anglaise.
Première de montage
"Semelle" intérieure sur laquelle vient s'assembler la tige et
la trépointe par la couture de trépointe et sur laquelle
repose le pied. Souvent, une première "de propreté"
très fine vient recouvrir la première de montage. La
première de montage est la pièce de cuir sur laquelle tout
le reste vient se greffer, et qu'on place donc en premier pour monter la
chaussure, d'où son nom.
Première de propreté
Doublure fine en "veau blanc" (cuir souple,
tanné au chrome pour être doux), plaçée sur
la première de montage. Il est conseillé de soulever la
première de propreté pour s'assurer qu'on n'a pas affaire
à un cousu rapide/blake (dont les points à
l'intérieur de la chaussure sur les côtés auraient pu
être dissimulés par la première de propreté).
Prêtant
Le cuir est un matériau constitué de fibres
orientées, lui donnant des caractéristiques
différentes suivant le sens dans lequel on exerce des contraintes
mécaniques. Si le travail est bien effectué, on orientera
la pièce de cuir constituant l'empeigne de telle manière
qu'elle puisse s'étirer plus dans le sens de la largeur de la
chaussure que dans le sens de la longueur. Cela a deux effets principaux.
Les fibres étant orientées longitudinalement par rapport
à la chaussure, la tige est plus résistante aux plis
d'aisance (alors perpendiculaires aux fibres). Deuxième effet :
une tige pourra s'élargir pour prendre la forme de la largeur du
pied (mais elle ne pourra pas s'allonger). C'est le prêtant.
Conséquence : ne jamais
acheter une chaussure trop courte (où les orteils touchent le bout
dur de la chaussure). En revanche, on pourra choisir une chaussure souple
(un mocassin) un peu serrée en largeur (surtout si l'on va au
magasin le soir avec les pieds gonflés), en comptant sur le
prêtant pour qu'elle prenne la forme du pied (et du petit orteil).
Quartiers
Partie arrière de la tige, qui enveloppe le talon et qui
revient sur le cou de pied pour former les garants.
Semelle d'usure (ou semelle de marche)
Semelle en contact avec le sol.
Sous-bouts
Épaisseurs de cuir formant le talon. Souvent, un intercalaire
en caoutchouc est ajouté, pour ajouter de la souplesse au talon.
Tige
Il s'agit de la partie supérieure de la chaussure (empeigne +
quartiers), qui doit
être assemblée à la semelle pour obtenir une
chaussure complète.
Trépointe
Bande de cuir cousue d'une part à la tige et au mur
gravé dans la première de montage par une couture
horizontale invisible, et cousue à la semelle d'usure par une
couture petit-point.
Dans les merveilles d'Internet et Youtube, Kane (l'un des
modérateurs de Depiedencap) a
déniché ces quatre vidéos, montrant la réalisation
d'une chaussure faite main en cousu trépointe :
partie 1,
partie 2,
partie 3 et
partie 4.
Ce n'est pas bien sorcier, car après des milliers d'années
d'évolution, seuls quelques types de chaussures ont
survécu, dont les principaux sont :
les Richelieux (aussi appelés Oxford en anglais) les Derby, les
mocassins et les bottines (et chukkas).
Les Richelieux (Oxford en anglais) sont les souliers habillés
par excellence. Pour les extrêmistes, la couleur noire est pour la
ville et pour porter le soir, alors que les chaussures marron ou de
couleur sont réservées à la campagne (mais c'est
plutôt le domaine des Derby, voir ci-dessous), ou à une
tenue plus décontractée (lire pantalon de couleur autre que
gris ou noir :-)
De par leur construction, les Richelieux s'ouvrent peu et nécessitent un chausse-pied pour ne pas casser le
contrefort arrière.
Richelieu à bout droit fleuri de chez Vass, forme Ugolini
Japonaise, en cousu trépointe. Le soulier est neuf, et pas encore
glacé. La qualité du cuir est telle qu'il n'y a pas eu
besoin de corriger la fleur par ponçage
(une vraie pleine fleur où l'on voit les pores de la peau) contrairement à
beaucoup d'autres marques et notamment les Church's post-Prada. (Il est
possible de cliquer sur la plupart des images pour les agrandir.)
À noter que le bout "fleuri" (broguings) de ce richelieu en fait
un soulier "fantaisie," qu'il serait totalement impensable de porter
avec un smoking, par exemple ;-). En effet, le bout fleuri
prend son origine en Écosse, où les aborigènes
perçaient la tige de gros trous pour faire ressortir l'eau de
leurs "brogues" et "ghillies" (souliers de marche sans languettes, encore
une fois pour l'"aération"), lorsqu'ils étaient remplis
d'eau par la marche dans les tourbières marécageuses.
Vous comprendrez donc que l'origine roturière et boueuse de ces
troutrous les rendent inconvenants pour des soirées
"habillées" :-)
Mais fort heureusement, l'étiquette a beaucoup
évolué depuis l'Angleterre du XVIIIème
siècle :-)
Les Derby ont été conçus avec des quartiers
"claqués" par dessus l'empeigne, pour s'ouvrir largement et accueillir le cou de pied
fort des valets d'écurie et autres besogneux :-). Ce sont normalement
des souliers rustiques, qui acceptent bien des semelles doubles ou des
semelles "commando" en gomme. Porter des Derbys avec un costume est
encore considéré par beaucoup comme une faute de
goût.
Ce sont des souliers de couleur par excellence, (marron, pour la
campagne, comme les superbes Grafton ci-dessous). Les quartiers
claqués par dessus l'empeigne sont la principale différence entre les Derbys
et les Richelieux.
Phot. J.-M. O.
Superbes Derbys "Grafton" de chez Church's, totalement increvables et
vieux de 10 ans (qualité pré-Prada), en cuir
traité "Bookbinder" et ressemelées "commando." Des
chaussures de gentleman farmer par excellence, dans l'esprit des Derby
(qui pourraient être portées avec un costume en tweed ou en
velours). Celles-ci sont couramment utilisées sous la pluie en
moto, et autres conditions extrêmes...
Noter la couture petit-point qui traverse la semelle gomme de
part en part pour plus de solidité (à
préférer aux semelles collées à la
néoprène).
Les derbys "Chasse" et "demi-Chasse" sont caractérisés par
un bout "fendu" ("split toe" en anglais) et un plateau qui, lorsqu'il est
cousu main, est joint en bord à bord avec la tige dans
l'épaisseur du cuir pour une étanchéité maximale.
Les exemples les plus célèbres sont le Chasse de chez
Weston (un incontournable) et le Derby Dover de chez Edward Green. Ces
souliers sont vétiablement exceptionnels par leur durée de
vie et leur robustesse. Sur les Chasse, le quartier revient jusqu'au bout
avant de la chaussure (en un seul tenant), alors que les demi-Chasse
sont faits en deux pièces. Les
Chasse bénéficient aussi d'un cousu Norvégien
(voir-ci-dessous) alors que les demi-Chasse ont un cousu Goodyear plus
"civilisé." Les deux arborent une double semelle indestructible ou
peuvent être choisis en semelle "Commando" pour plus d'adhérence.
À l'origine, les mocassins étaient les chaussures des
indiens d'Amérique, qui réalisaient un petit sac en peau,
fermé sur le dessus par un plateau. Dans des mocassins
traditionnels, il n'y a pas de première de propreté, et
l'on marche directement sur la tige, sur laquelle est maintenant
soudée une semelle en gomme. Les mocassins n'ont pas de bout dur,
et du fait de leur manque de structure au niveau de la semelle, de la
présence du plateau (qui fait que les côtés de
la tige sont plus verticaux), ce sont des chaussures très
confortables et légères, que l'on peut choisir un peu
serrées en largeur (surtout si l'on va les choisir en fin
d'après-midi,
avec les pieds gonflés par une journée passée
debout), car si, en plus, le cuir a été est
découpé dans les règles de l'art (c'est à
dire dans le bon sens), le "prêtant" lui permettra de se
détendre pour épouser la forme du pied.
Le revers de la médaille est que des mocassins en montage
"mocassin" se déforment beaucoup, et qu'on ne peut espérer
les maintenir en forme raisonnable plus d'une ou 2 années...
... sauf à utiliser un autre montage. De nos jours,
les mocassins ne sont plus exclusivement montés "à
l'indienne," mais peuvent recevoir un montage Goodyear, par exemple, pour
un peu plus de tenue (mais plus de rigidité aussi...) et une
durée de vie bien plus longue (largement 10 ans pour du Goodyear).
Mocassins Lobb "Campus" en cousu Goodyear.
Les bottines et chukkas sont d'un usage plus restreint. Le chukka
est un soulier haut couvrant juste la cheville, inventé par les
joueurs de polo pour se reposer des bottes. Les bottines montent un peu
plus. Elles doivent supporter des conditions plus difficiles, comme
la neige, la boue, et sont souvent réalisées en montage
Norvégien (pour une méilleure étanchéité),
avec semelle caoutchouc.
Photos : J.-M. O., E. Zabriskie et E. Haffner
Chukkas en veau grainé de chez Crockett & Jones, bottines
Beaulieu de chez Shipton (les deux avec semelles cuir en cousu Goodyear) et à
droite bottines Paraboot (avec semelles caoutchouc et cousu
Norvégien).
À noter qu'il existe aussi des bottines habilliées, dont la
finesse n'est visiblement pas faite pour supporter la neige :
Bottines Emling à bout droit fleuri en cousu Goodyear,
achetées en soldes à 100 euros ! (À noter que leurs
clones sont actuellement (en 2007) vendues ailleurs en collé-ficelé pour 600 euros !)
Enfin, il y a les bottes, mais on sort alors du domaine du soulier
de ville pour aller vers l'équitation, ou le monde de la ferme.
Période de la journée pour aller acheter des
chaussures
Tout d'abord, idéalement, il vaut mieux aller acheter une paire
lorsque vous avez des pieds peu gonflés.
En effet, il faut savoir que le cuir, ça se détend (plus dans un sens que
dans l'autre : c'est le prêtant).
Si le patronnage a été bien fait (= pas chez un gougnafier
qui maximise le rendement et sa marge), le prêtant est positionné en
largeur, ce qui signifie que la tige pourra s'élargir, pour notamment
prendre la forme du pied (et de son petit orteil éventuellement un peu
proéminent) avec le temps. Attention : ne pas compter sur un
élargissement du bout dur tout de même. Le bout dur est dur,
et il n'y a pas d'espoir dans cette zone là.
S'il s'agit d'un mocassin (avec un plateau), il n'y a pas de bout dur et
les flancs seront
plus verticaux qu'un richelieu, et ils pourront s'écarter (lire s'avachir
;-) plus facilement.
En revanche, des souliers ne s'allongent pas (pas de prêtant dans ce
sens, et là aussi, le bout dur est normalement bien dur, donc
pas d'espoir de ce côté, mais ça vaut aussi pour des mocassins qui n'ont pas
vraiment de bout dur).
Enfin, le cuir n'a pas une tendance naturelle à se retendre (mais plutôt
à se détendre, surtout lorsqu'on lui fait subir des tensions mécaniques
liées à la marche).
La conclusion, c'est que :
Il ne faut jamais acheter des chaussures
trop petites en longueur.
Tant qu'à faire, il faut aller acheter ses
chaussures le matin, quand on a des pieds pas trop gonflés.
Enfin, il faut moduler la notion de "matin" : pour la plupart, il
s'agit du matin, avant une journée debout (qui fait affluer le
sang vers les pieds). Mais apparemment, certains se réveillent
avec les pieds bouffis, auquel cas il faudra choisir une autre
période de la journée.
Si les chaussures vous vont bien alors que vous êtes chez le
marchand à un moment où vous avez les pieds fins, c'est
parfait car grâce au prêtant, à l'humidité de la
transpiration et après plusieurs dizaines de port, elles vont légèrement
s'élargir pour prendre la forme du pied en largeur. C'est l'idéal.
Mais si les chaussures serrent le matin, c'est mal parti car
elles serreront encore plus le soir, et le prêtant ne sera peut-être
pas suffisant pour récupérer la largeur qui n'y est pas. Il sera alors
peut-être possible de les faire écarter
par un cordonnier, qui, après avoir mis le cuir "en humeur", pourra les
élargir de quelques millimètres...
Si vous achetez des chaussures qui vous vont bien le soir, alors,
elles seront probablement trop larges,
car a) le matin, votre pied sera plus petit, et b) du fait du prêtant
elles auront tendance à s'élargir encore plus au fur et à mesure des
ports, et vous finirez par flotter dedans (tout en créant,
de surcroît, de disgrâcieux plis d'aisance).
Donc, si vous y allez le soir, vous pouvez vous permettre de prendre des
chaussures qui serrent un peu.
Si vous achetez des mocassins (des vrais,
avec un plateau large et des flancs assez verticaux) ils pourront
s'écarter beaucoup plus que des Derby ou des Richelieux, donc ne pas
hésiter à y aller le matin, et ne surtout pas flotter dedans (mais
n'oubliez pas qu'ils ne s'allongeront pas, quelque soit ce que vous dit
le marchand...).
Se donner des priorités
Encore une fois, n'oublions pas que le rôle premier des chaussures, c'est
pas de les mettre en vitrine (sauf peut-être pour certains adorateurs ou
fétichistes). En ce qui me concerne, j'ai l'idée aussi sotte que
grenue de vouloir aussi m'en servir pour marcher...
Mes priorités (personnelles) en matière de chaussures sont donc les suivantes :
Ca doit permettre de marcher sans tomber, et donc, je n'hésite
pas à mettre :
Des fers encastrés au bout (pour préserver
la trépointe : ATTENTION ! JAMAIS DE FERS AU TALON).
Des patin en crêpe (pas des Topy) pour préserver la semelle
et avoir une adhérence de chaussure moderne.
Des bonbouts en caoutchouc.
On voit le résultat sur les photos ci-dessous...
Concernant les deux derniers points, je trouve totalement
ridicule de se casser la figure avec des chaussures à 500 euros
rien que pour le "plaisir" d'avoir des semelles en cuir !
Pour moi, à ce prix, je veux
des chaussures "au top", c'est à dire durables, confortables et
avec lesquelles je peux marcher sur un sol glissant sans avoir la peur au
ventre (mais c'est un avis personnel).
Ca doit pas trop faire mal aux pieds (en tout cas plus après 6
mois), donc, je donne une priorité au chaussant. Il faut que les
chaussures conviennent à mon pied.
Autre idée bizarre : j'aime pouvoir marcher dehors avec (dans
la rue, pas dans la gadoue, restons raisonnables :-) même si le trottoir
est mouillé, ou pire : s'il pleut (et sans avoir à attacher des sacs
poubelle autour des chaussures comme certains que je connais :-), car pour
moi, au point de vue look, ça le fait pas...).
Si je mets 500 euros dedans, je veux que ça tienne au moins 10 ans
avec un entretien correct (20 ans, c'est mieux).
Une fois que ces 4 points sont remplis, je choisis le look parmi ce
qui reste, et je ne peux donc pas raisonnablement choisir du Rapide/Blake
(ou pire : du soudé), ni du cuir en peau de rat.
Disons que si j'avais un budget illimité, le point 5 remonterait
peut-être en 4, voire en 3, mais tout de même, des chaussures à usage
unique, c'est vraiment pour les richissimes...
Maintenant, après achat de chaussures neuves ou ressemelage, je
fais systématiquement poser un bonbout en caouthouc, un
patin crêpe et un fer encastré vissé.
Ça coûte entre 40 et 50 euros, c'est totalement invisible
et ça permet de ne pas glisser. Le fer à l'avant (totalement
silencieux, sauf à marcher sur la pointe des pieds) est
posé pour protéger la trépointe. Attention :
il faut attendre au moins une dizaine de ports avant de faire encastrer
le fer.
Attention ! Ne jamais faire poser de fers à l'arrière
(même si le cordonnier vous invite à le faire).
Ça glisse beaucoup, ça fait du bruit et surtout, à
la longue, cela peut avoir des répercussions sur votre colonne
vertébrale. Lorsqu'il est usé, le bonbout en caoutchouc est
une pièce qui se change facilement (plus facilement que votre dos)
moyennant quelques euros... Les cordonniers qui vous proposent des fers
à l'arrière ne connaissent pas leur métier :
fuyez-les.
Bottines Emling avant et après pose de bonbout, patins
"crêpe" et fers. Le tout est totalement invisible, sauf à
regarder sous la chaussure, et permet de ne pas faire de grands
écarts sur chaussée glissante (bonbout), d'avoir une
accroche digne d'une chaussure de sport (patins) tout en
préservant la trépointe (fers encastrés).
Quelques informations sur le montage (essentiel à mon avis
pour acheter en connaissance de cause)
Il existe plusieurs façons de solidariser la tige et la semelle
(qu'on appelle montage). Les quatre principales sont le
montage cousu trépointe (appelé Goodyear lorsqu'il est
réalisé avec une machine inventée par Monsieur
Goodyear au siècle dernier), le montage Norvégien (plus
étanche est plus solide) et, d'une qualité
inférieure, les montages Rapide/Blake (le "collé-ficelé"
:-) et soudé (un Rapide/Blake, mais sans couture).
Les montages "cousu trépointe" (réalisé à
la main et donc réservé à la mesure) et Goodyear
(montage identique au cousu trépointe, mais réalisé
avec une machine inventée par Monsieur Goodyear) sont ceux de plus
grande qualité. Ils sont plus chers, car plus
évolués et plus difficiles à réaliser.
Ces montages consistent à réaliser un "mur" vertical
dans la première de montage (semelle "intermédiaire" sur
laquelle la tige (au dessus) et la semelle de marche (au dessous)
sont assemblées) pour constituer ainsi une nervure
3D donnant de la rigidité à la chaussure (ce qui est
nécessaire si l'on veut que le soulier dure plus de 10 ans).
On peut voir un croquis d'un montage Goodyear ici.
Tout comme la fondation d'un bâtiment est un muret vertical enfoui
dans la terre pour solidariser la maison avec le sol,
les bottiers disent du mur de première qu'il est la fondation de
la chaussure. En effet, la couture de trépointe va solidariser
le mur, la première de montage, la tige, et une bande de cuir
appelée "trépointe" (dont on dit qu'elle est
l'âme de la chaussure). La semelle de marche sera alors
reliée à la première de montage avec du "rempli"
(mélange de colle néoprène et de liège venant
combler l'épaisseur du mur de montage), et cousue avec la
trépointe (qui est solidaire de la tige et de la première
de montage) par une couture "petit point."
Le résultat est le summum de plusieurs milliers
d'années d'évolution dans la mise au point de chaussures
On obtient un soulier rigide (nécessaire pour espérer
une durée de vie de 20 ans, même si ça
fait un peu mal aux pieds au début), ressemelable à
volonté en ne touchant que la trépointe (et donc en
préservant la tige), et dont la première (semelle sur
laquelle on marche) prend la forme de la voûte plantaire grâce
au rempli. Si la trépointe finit par être usée (au
bout de 4 à 5 ressemelages bien faits) il suffit alors de changer
la trépointe et c'est reparti pour un tour.
D'un point de vue esthétique, on voit une semelle avec une
double épaisseur de cuir (une épaisseur pour la
trépointe, et une seconde épaisseur pour la semelle
de marche), et la semelle a un minimum de "débordant" pour caser
la couture petit-point solidarisant la trépointe à la
semelle de marche. Certains considèrent donc que cela alourdit la
ligne d'une chaussure. Personnellement, j'aime bien voir du travail bien
fait, et je suis plus sensible à un beau cousu petit-point
(qui, s'il est bien fait, peut être considéré
comme ornemental)
à une semelle collée au néoprène pour
faire plus fin (mais c'est un avis personnel).
Cousu trépointe sur Richelieu à semelle simple (du
débordant pour caser la couture, et la semelle montrant deux
épaisseurs malgré la semelle de marche simple : en effet,
il y a la trépointe + la semelle).
Sur la seconde image, on voit les beaux points de la couture
petit-point sur un Derby Vass. Comme c'est un Derby (soulier rustique
conçu pour être résistant et marcher dehors),
il a une double semelle et on voit donc trois épaisseurs :
la trépointe, la "double" (au milieu) et enfin la semelle de marche
(la plus épaisse en bas).
Lorsque vous récupérez une chaussure après un
ressemelage chez un cordonnier ou un bottier, assurez-vous qu'il a bien
fait son travail et qu'il est bien repassé dans les trous de la
trépointe. S'il est passé à côté,
refusez de reprendre vos chaussures, et demandez-lui de recommencer
son travail en changeant gratuitement la trépointe qu'il a
massacrée. S'il est de mauvaise foi, il vous dira qu'il est
impossible de changer la trépointe, mais ce n'est pas vrai. C'est
un gros boulot (il faut complètement démonter la chaussure,
la remettre sur forme, refaire une couture trépointe entre
la première de montage, la tige et la nouvelle trépointe,
et refaire une semelle de marche) et c'est pour ça qu'il ne voudra
pas le faire. S'il n'est pas suffisamment bon pour le refaire,
demandez-lui de faire jouer son assurance et de payer la facture d'un
ressemelage avec changement de trépointe chez un bottier de
qualité (ça devrait coûter entre 150 et 200 euros).
Voici un ressemelage effectué à la Cordonnerie Gilles (71
rue de Chabrol, Paris 10è) pour
seulement 90 euros. On voit parfaitement les points.
La trépointe a été très bien
respectée et le boulot est parfait. En revanche, (il faut que je
fasse la photo), le cuir utilisé est de moindre qualité (ce
qui explique les 90 euros) et les sous-bout se sont rapidement
comprimés. Aucun problème, par contre, avec le ressemelage
de Dominique Barilero (plus bas, à 115 euros, donc comme
d'habitude, (chez des artisans honnêtes et compétents)
on en a pour son argent).
Attention aux contrefaçons ! Certains (dont je fais
partie) préfèrent l'esthétique d'un montage Goodyear
(avec trépointe) sa belle couture petit-point, et son
débordant soulignant bien la tige de la chaussure. Du coup,
pour augmenter leur marge, de nombreux
fabricants font du "faux Goodyear", en faisant
du collé-ficelé (montage Rapide/Blake) ou même
(horreur) du soudé simple avec une fausse
trépointe, et même couture de trépointe pour gruger
le client qui ne s'y connaît pas (cf. ci-dessous pour la description
du montage Rapide/Blake). Bref, comme le Canada-Dry, ça a l'apparence
du Goodyear, l'épaisseur du Goodyear, mais ce n'est pas du
Goodyear. Ne pas payer plus de 200 euros pour de telles chaussures,
à durée de vie limitée (dont le prix de revient est
de 50 à 80 euros) ou alors faites-le, mais en
connaissance de cause (et ne vous plaignez pas après).
Sachez reconnaître les imitations. Voici un exemple de faux
Goodyear :
Phot. A. Boniface
Voici de beaux Richelieux 6 oeillets à bout fleuri de chez
Santoni (bien qu'un peu ronds à mon goût), entretenus méticuleusement par Alexis Boniface (1 port
par semaine, y compris sous la pluie, pendant 3 ans). Sur la photo du
milieu, une belle trépointe avec couture petit point. Sur la photo
de droite, en regardant dans la chaussure, horreur, malheur ! c'est du
collé-ficelé !!!
On détecte facilement la supercherie en regardant dans la
chaussure : si, en regardant dans la chaussure au niveau de la plante du
pied, on voit une couture sur les côtés, c'est que
c'est du Rapide/Blake.
Quoique... on peut faire mieux pour dissimuler la chose : voici des
B... en montage Blake... dissimulé sous une première de
propreté qui va jusqu'au bout de la chaussure (certains se
plaignent de sentir la couture Rapide/Blake sur les côtés,
"justifiant" ainsi la première de propreté).
Phot. A. Boniface
Voici de superbes richelieux B... montés en Rapide/Blake, mais
là, lorsqu'on regarde dedans, il n'y a rien à voir ! Une
première de propreté vient masquer la couture Blake...
Si la première de propreté va jusqu'au fond de la
chaussure, vous sentirez peut-être les points sous la fine
épaisseur de cuir si vous tâtez avec l'index.
Il y a deux types de montages norvégiens. Le Norvégien
"standard", et le Norvégien avec trépointe. Dans les deux
cas, il y a une première avec mur de montage tout comme dans le
Goodyear.
Dans le cousu Norvégien standard, la tige est repliée vers
l'extérieur (comme un montage sandalette), et il y a deux
coutures. Une première couture qui solidarise la première
de montage (par le mur) à la tige, et une deuxième couture
petit point qui solidarise la tige (qui sert de trépointe)
à la semelle de marche.
C'est le montage des superbes chaussures Noevo en photo ci-dessous. Si
vous regardez bien, il y a deux coutures, et pas de trépointe. La
première couture traverse la tige en direction du mur de
première, et la tige est repliée vers l'extérieur
pour constituer une trépointe. La deuxième couture traverse
donc la tige verticalement, pour la lier à la double, puis
à la semelle de marche (couture petit point).
Phot. S. Dugué
Montage Norvégien sur des Derbys mesure Noevo. On voit bien les deux
coutures sur la tige (pas de trépointe : c'est du Norvégien
"standard"). Du coup, ce n'est pas plus massif que du Goodyear. On ne
voit qu'une couture de plus, c'est tout.
Notez que ces chaussures sont portées par tous les temps depuis
7 ou 8 ans. Les points norvégiens sont enduits de cire pour mieux
les protéger. Privilège de la mesure, les plis d'aisance
(au niveau de l'empeigne) sont pratiquement inexistants (car l'empeigne
épouse exactement la forme du pied, et il n'y a pas de cuir en
trop qui viendrait fabriquer des plis lors de la marche).
Pour rendre le tout encore plus étanche et résistant, on
peut ajouter une trépointe par dessus la tige. C'est ce qu'on peut
voir
ici et sur la
photo ci-dessous :
Phot. E. Haffner
Montage Norvégien avec trépointe sur bottines Paraboot.
L'ajout de la trépointe donne un aspect plus massif.
Si vous achetez des chaussures avec semelle caoutchouc (Derbys, bottines)
assurez-vous que la couture prend aussi la semelle, pour un maximum de
solidité (si vous retournez la chaussure, vous devez voir la
couture liant la semelle à la trépointe, comme sur la photo
de la Church's Grafton ci-dessous).
Phot. J.-M. O.
Semelles commando : la couture doit traverser et prendre la semelle.
En qualité de montage inférieure,
on trouve donc le cousu Rapide (encore appelé Blake
lorsqu'il est réalisé avec la machine conçue par
Monsieur Blake) ou le montage soudé (semelle collée
à la première avec de la colle néoprène).
En fait, le cousu rapide/Blake n'est rien d'autre qu'un montage
soudé, auquel une couture a été ajoutée pour
éviter les décollements intempestifs dûs aux efforts
importants appliqués sur la jointure tige/semelle lors de la
marche (c'est rapide à faire, d'où le nom).
Bref, il faut bien avoir conscience que la différence entre
un montage Blake et un montage soudé ne tient qu'à un fil.
Phot. E. Haffner
Pour détecter un cousu Rapide/Blake, c'est très simple : il
suffit de regarder à l'intérieur de la chaussure au niveau
de la plante du pied. Après la première de
propreté (qui s'arrête souvent à la plante du pied,
comme ci-dessus sur un mocassin de chez Malinge), on voit la couture
Rapide/Blake sur les côtés de la chaussure.
Cliquez
ici pour voir un
croquis d'un montage Rapide/Blake, et là pour un
montage soudé.
Du fait de ce montage simple, le prix de revient de souliers en
montage soudé ou Rapide (Blake) n'est que de 50 à 80 euros
pour les plus luxueux. Payer au delà de 200 euros pour du
Rapide/Blake, c'est déjà trop cher.
À part le prix de revient, le montage soudé ou rapide/Blake
peut se justifier sur des souliers délicats et fins, pour leur
absence de débordant et la finesse de la semelle (pas de
trépointe, cf. photos ci-dessous). C'est donc le montage
préféré des
chaussures italiennes pour lesquelles l'esthétique prime, mais
attention à ne pas trop les exposer aux
intempéries (par intempéries, comprendre la marche pendant
1/2h sur un trottoir humide après la pluie :-). Les chaussures
montées en cousu rapide/Blake résisteront difficilement
à quelques années de port régulier comme le montrent
les photos ci-dessous.
Mon avis personnel est que si vous
acceptez de les payer près de 1000 euros pour ce genre de souliers,
il vaut mieux ne les utiliser qu'en intérieur, ou les mettre
sous vitrine.
En effet, de par sa conception, le cousu Blake a de nombreux
inconvénients par
rapport au Goodyear, dont (entre autres) les suivants :
Dans un montage rapide/Blake, il y a une couture à
l'intérieur de la chaussure sur le côté. Si la
tige revient loin dans la chaussure, et que la couture est faite loin du
bord (donc près du centre de la chaussure), certains peuvent
la sentir, et marcher sur une couture, ça fait mal aux pieds...
Lors d'un ressemelage fait à la va-vite après une pause
vodka, il est possible que le cordonnier passe à côté
des trous de la tige (ça s'est récemment vu lors d'un
ressemelage à 200 euros chez Berluti). La tige est alors
découpée, et après quelques ports, elle va s'ouvrir.
Comme c'est la tige qui a été déchirée, la
chaussure est alors non récupérable et va droit à la
poubelle, alors que si la même chose arrive lors d'un ressemelage
Goodyear (ce qui nécessite déjà une double dose de
vodka car la couture petit-point étant située à
l'extérieur de la chaussure plutôt qu'au fond, on voit mieux
ce qu'on fait), et bien seule la trépointe a été
massacrée, et le cordonnier fautif pourra la remplacer sans
dommage pour la tige. (Mais sachez reconnaître le problème,
et le signaler à votre cordonnier, car il risque fort d'encaisser
votre chèque, et de vous laisser partir avec vos chaussures
massacrées avec un grand sourire (et un ouf de soulagement, en se
demandant à quoi cela peut bien servir de bien faire son boulot,
vu que les clients ne s'aperçoivent de rien quand c'est mal
fait).
Sur la première de montage en Blake (cf. croquis), et la
première est donc une feuille de cuir plate en deux dimensions, qui se
plie donc très facilement (comme une feuille). Juste après
l'achat, une chaussure en cousu Rapide/Blake sera donc beaucoup plus
confortable à porter qu'une chaussure en cousu Goodyear
(avec laquelle on pourra avoir mal aux pieds pendant plusieurs mois,
le temps de la "casser").
Mais dans le temps (n'oubliez pas qu'on parle de chaussures devant durer
au moins 10 ans pour amortir le prix d'achat) une chaussure montée
en Rapide/Blake se déformera du fait de son manque de
rigidité (cf. photos ci-dessous de chaussures de deux ans
d'âge seulement, entretenues par un expert).
Il est difficile d'espérer garder une chaussure
Blake en bonne forme pendant 10 ans, alors qu'il s'agit d'une
durée de vie courante pour des Goodyear. Le problème de
ces chaussures sans "tenue" se pose aussi pour les montages
soudés.
Phot. A. Boniface
Exemple édifiant de montage Rapide / Blake. Voici une paire de
Santoni en veau-velours, photographiées dès leur achat en
janvier 2005 (photo de gauche) puis le 14 décembre 2006 (photo du
milieu), soit moins de deux ans après leur achat, alors qu'elles
ont été entretenues par Alexis Boniface
(une référence en la matière).
La déformation de la chaussure (photo de droite) laisse sans
voix... (âmes sensibles, abstenez-vous de cliquer sur la photo...)
Et non, la photo de droite n'a pas été rallongée ou
aplatie sous photoshop : c'est de la déformation 100% naturelle,
ça, Môssieur. On voit bien que la semelle, (une feuille de
cuir plate en 2 dimensions) est ondulée, car elle n'a aucune tenue
(contrairement à une semelle Goodyear qui a des nervures
verticales sur le côté de la première de montage).
Je ne résiste pas au plaisir de mettre pour comparaison des photos
de Richelieux Church's Chetwynd en cousu Goodyear, (11 ans de port dans
des conditions normales - y compris sous la pluie), Derby Church's Grafton
en cousu Goodyear (10 ans de port dans les pires conditions - moto
notamment), Derbys Noevo en cousu Norvégien (7 à 8 ans de
port dans toutes les conditions - y compris la pluie).
Ok, les semelles sont moins fines que les Santoni ci-dessus, mais
qu'est-ce qu'elles sont restées belles, malgré leur
âge... A noter que les deux paires de Church's datent d'avant le rachat par
Prada et la baisse de qualité...
Entre Goodyear ou Norvégien et Rapide/Blake, la
différence de longévité est évidente...
Il existe cependant une utilisation intéressante du cousu
Rapide/Blake. Sur une vieille paire de chaussures en cousu Goodyear dont
la trépointe est endommagée (qui part en "sucette," dans le
jargon des bottiers) et dont le mauvais état de la tige
(fissures ou craquelures, par exemple) ne justifie pas le coût
d'un changement de trépointe, on peut alors effectuer un dernier
ressemelage en Rapide/Blake, qui ne nécessite pas de
trépointe.
Pour le montage collé, la tige est solidarisée
à la semelle grâce à de la colle
néoprène "contact," qui est une colle très
résistante si le travail a été bien effectué
(chaussure bien sèche, temps d'attente respecté avant
collage, ...). Mais il y a plutôt intérêt à ce que le
travail ait été bien réalisé, car il n'y a
pas de couture pour sauver les meubles en cas de faiblesse du collage. Du
fait de leur manque de structure 3D, ce sont, comme les chaussures en
cousu rapide/Blake, des chaussures qui se déformeront rapidement
et ne pourront durer 10 ans.
Sur tous ces montages (sauf le montage collé qui n'a pas de
couture), la couture de semelle sera logée au fond d'une gravure
ouverte (mais dans ce cas, la couture n'est pas bien
protégée de l'usure) ou refermée.
À gauche, gravure ouverte sur de vieux Richelieux St Michael's. Le
problème est que la couture petit-point n'est pas
protégée. Sur des chaussures de grande qualité,
la gravure est refermée sur la couture, comme sur les Vass de
droite. C'est difficile à
croire, mais la couture a été faite sous une "gravure"
faite dans la semelle, qui a été refermée
après-coup. Le seul résultat visible est un mince petit
trait. La couture est bien protégée dessous.
Lors d'un ressemelage, les deux options sont possibles (mais
généralement pas au même prix) :
Voici à gauche, la vue de dessous du ressemelage à 90 euros de
la cordonnerie
Gilles, qui pour ce prix effectue une gravure ouverte.
On notera qu'après une dizaine de ports, il est intéressant
de faire poser un patin crêpe
sur une semelle à gravure ouverte, pour protéger la couture
petit-point et la semelle de moindre qualité.
À droite, en payant un peu plus cher (115 euros, chez Dominique Barilero, 5 rue
Amélie, Paris 7è), on peut avoir une gravure refermée
pour un ressemelage de grande qualité (avec un cuir à
semelle de grande qualité aussi).
La photo présente la semelle après deux ports. Si vous
voulez mettre un patin
crêpe et surtout des fers encastrés et vissés
à l'avant (comme sur la photo de gauche), il faut attendre une dizaine de ports pour que la
semelle neuve se tasse. Éviter de marcher dans l'eau tant que la semelle
n'est pas tassée.
Enfin, pour affiner la ligne, on arrondit le
côté de la semelle (qu'on appelle la lisse) des chaussures
de grande qualité pour obtenir des lisses rondes.
Le "nec plus ultra" ;-) des lisses rondes faites main sur Richelieu Vass,
avec cousu trépointe
sous gravure refermée (petit trait fin sur la partie claire de la semelle).
Qualité du cuir
Un cuir "plein" de qualité ne doit presque pas marquer, au niveau
des plis d'aisance.
Voici par exemple les Vass (qui étaient neuves sur les photos
ci-dessus) après une trentaine de ports.
Les plis d'aisance sont pratiquement inexistants après une
trentaine de ports (après mise sur embauchoirs).
C'est le signe d'un cuir de très grande
qualité. Les plis d'aisance mettront beaucoup plus longtemps
à apparaître qu'avec un cuir "creux" (pris sur le flanc de
la bête plutôt que sur le dos), garantissant ainsi une
grande longévité.
Un cuir de bonne qualité ne doit pas "friser" lorsqu'on le
comprime. l'idée est de prendre un morceau de cuir entre les deux
pouces, et de repousser le cuir entre ses doigts.
Un cuir qui "frise" est un cuir creux (il y a décollement des
fibres entre la fleur et la chair). De même, sur les cuirs de
grande qualité, on doit voir les pores de la peau, ce qui est le
signe qu'elle n'a pas été corrigée par
ponçage.
Détail de richelieu Vass. On note la qualité des coutures
et le grain de la peau.
Au toucher, du cuir de qualité doit être à la fois
résistant et souple.
Ne pas porter les mêmes chaussures 2 jours de suite,
pour leur laisser le temps de se reposer, et d'évacuer
l'humidité. Il faut donc avoir au moins deux paires de
chaussures pour alterner.
Mettre des embauchoirs lorsque la chaussure n'est pas portée, pour
qu'elle reprenne sa forme d'origine et que les plis d'aisance ne se
marquent pas trop. Normalement, les embauchoirs sont à la forme de
la chaussure. Mais les embauchoirs de marque coûtent généralement assez
cher à l'achat. On peut en trouver des beaucoup moins chers chez
Bexley. La qualité n'est pas top,
mais c'est bien mieux que pas d'embauchoirs du tout ou des embauchoirs en
plastique.
Il faut choisir des embauchoirs non vernis (et pas en
plastique) pour qu'ils puissent absorber l'humidité
(transpiration, pluie), et si l'embauchoir n'est pas à la forme de
la chaussure, avec l'avant-pied en 2 parties.
(À noter que les embauchoirs Bexley sont de
construction identiques aux embauchoirs Président de chez Grison,
à la seule différence (à part le prix doublé
pour les Grison) que les Grison sont en bois dur (aucun
intérêt), et ne sont pas bruts (ce qui signifie qu'il faut
les poncer après achat pour revenir à du bois brut et absorbant)
pour une forme légèrement plus fine.)
À gauche, les embauchoirs de chez Vass, à la forme de leurs
chaussures. Outre la pointure, on voit bien que
les formes sont différentes (Ugolini Japonaise à gauche, et Banana
pour les pieds autrichiens à droite).
Sur l'image de droite, on voit des embauchoirs "standards" (avec avant pied en 2
parties pour convenir aux différentes formes de chaussures)
"Président" de chez Grison (à gauche) et Bexley (à droite) :
construction (et qualité) identique, mais les Grison sont 2 fois
plus chers. Pour ce prix doublé, on a une belle boule brillante, du bois dur
(inutile) et surtout, du vernis mat, qu'il faudra
enlever au papier de verre pour rendre leur porosité aux
embauchoirs... La forme des grison est un poil plus fine que celle des
Bexley, mais c'est vraiment subtil. Personnellement, je
préfère donc les Bexley, que je n'hésite pas
à prendre 1 pointure plus grande pour ensuite les amener
à la forme de mes chaussures (à la râpe +
ponçage fin).
Si le cuir est fin (chaussures italiennes, par exemple) ne pas prendre
des embauchoirs trop grands pour éviter de détendre la
chaussure, et gagner 1/2 taille en largeur.
Si la fleur du cuir semble altérée (fissures au
niveau des plis d'aisance, craquelures, ...), passer du
rénovateur à l'huile de vison (Saphir, par exemple) pour
nourrir le cuir et lui redonner un coup de jeune (mais si c'est
craquelé ou fendu, pas de miracle à attendre : les fissures
ne vont pas se reboucher). La graisse de phoque Saphir HP (noire ou
incolore) marche aussi très bien, et favorise un glaçage
ultérieur (mais normalement, on ne glace pas les parties
fendillées, qui sont par essence situées sur des zones qui
travaillent beaucoup, et qu'il ne faut pas imperméabiliser). Les
craquelures signifient que le cuir a mal été entretenu car
il a séché. Deux causes principales : pas de crêmage
pendant longtemps, ou application d'un produit inadapté (cirage
Baranne ou autre Kiwi aux silicones, qui imperméabilisent le cuir
et le dessèchent sans le nourrir, en l'empêchant de
respirer).
Si les chaussures sont mouillées après une grosse averse,
par exemple, ne jamais les exposer à la chaleur pour les faire
sécher
plus vite (ne pas les poser sur ou près d'un radiateur, par exemple). Plus
ça sèche lentement, mieux c'est. Certains suggèrent
de les bourrer avec du papier journal (pour absorber l'humidité)
et de les poser sur le côté, pour que la semelle puisse
sécher. Les poser sur le côté, c'est une bonne
idée, et je le fais régulièrement, mais le papier
journal, je n'ai jamais osé, de peur
de tacher les doublures. Les embauchoirs en bois non verni absorbent
l'humidité correctement, et je mets donc des embauchoirs.
Attention : si vous ne mettez pas d'embauchoirs alors que vos chaussures
sont mouillées, elles vont se racornir et sécher
recroquevillées, et peuvent se déformer, car il faut savoir
certaines choses sur les chaussures humides :
Comme tous les tissus animaux, le cuir contient beaucoup de
collagène, qui est soluble dans l'eau. Ainsi, (tout comme le coton
d'une chemise, d'ailleurs), si l'on mouille du cuir, le collagène contenu dans les
cellules absorbe l'eau (et gonfle), et le cuir se déforme alors
très facilement (on dit qu'il est "en humeur").
Si des plis se forment alors que le cuir
est humide, lorsqu'il sèchera, le collagène se solidifiera
dans la forme acquise, et le pli restera marqué, d'où
l'intérêt de bien le retendre avant de le faire
sécher. C'est le principe de la patte-mouille lorsqu'on
repasse une chemise. La patte-mouille humecte la chemise pour dissoudre
le collagène, et lorsqu'il sèche après que le fer
chaud ait défroissé le tissu, le collagène "fige"
dans sa nouvelle position et le tissu reste parfaitement plat (attention aux
faux-plis qu'il faudra réhumidifier pour les enlever).
Donc, lorsque vous rentrez chez vous avec des chaussures humides et
encore chaudes de la chaleur du pied, mettez immédiatement
des embauchoirs dedans pour les retendre et retarder l'apparition de ce
qu'on appelle les plis d'aisance (plis transversaux sur la claque de la
chaussure).
Dans les chaussures de grande qualité (sur mesure), les bouts durs et contreforts
sont collés avec de la colle de Vienne (à base de gruau
dissout avec de l'acide acétique) qui a pour
propriété d'être soluble à l'eau. Du coup, si
un jour, quelqu'un vous marche sur le pied et "casse" le bout dur de
la chaussure, ce n'est pas un problème : ramenez-les chez le
bottier qui les a faites (et qui a dû conserver la forme).
Il remettra la tige ``en humeur'' (c'est à
dire qu'il va l'humidifier jusqu'à dissoudre la colle de Vienne),
la remettre sur forme, re-marteler le bout et laisser sécher.
Le bout dur retrouvera sa forme et sa dureté initiale.
Après une forte averse, vos chaussures peuvent se gorger d'eau et
en devenir toutes noires (même si elles n'étaient pas noires
à l'origine). Ne vous inquiétez pas (et ne cherchez
pas à les faire sécher plus rapidement).
Des chaussures de qualité
récupèrent parfaitement et doivent normalement reprendre
leur apparence d'origine après une bonne nuit de séchage
(sinon, vous vous êtes fait avoir ;-). En effet, lors du tannage,
le cuir vit dans des cuves pendant un certain temps. L'eau n'a donc
normalement aucun effet néfaste sur un beau cuir, sauf si le
tannage a mal été effectué (et le cuir peut alors
durcir, ou cloquer, ou se tacher... mais ce n'est pas normal), ce qui est
le cas de beaucoup de peaux utilisées sur des chaussures
italiennes (il pleut peu en Italie, donc un tannage de moins bonne
qualité est plus acceptable qu'en Angleterre, où les
chaussures doivent pouvoir résister à l'humidité).
Quoi qu'il en soit, après une bonne averse, après une
douzaine d'heures (une fois qu'il est bien sec), il est bon de
nourrir correctement le cuir à la crême ou avec du
rénovateur à l'huile de vison en massant bien.
Entretien des semelles :
Après achat de nouvelles chaussures, si le bout de la chaussure
n'est pas très relevé et si la semelle est fine (s'il n'y a
pas de "double," contrairement aux demi-chasse Bordor ci-dessous), il est
conseillé de faire
encastrer
des fers en bout (jamais au talon) vissés, pas cloués, et par
un cordonnier compétent (vis en laiton ou en inox, mais pas en
acier pour qu'elles ne rouillent pas dans le cuir), cf. photos ci-dessous.
C'est pas cher (moins de 10 euros), invisible, et ça préserve
le bout de la chaussure et surtout la trépointe, pièce
essentielle d'une chaussure cousue Goodyear ou Norvégien. Si la
semelle est neuve, attendre une bonne dizaine de ports avant de faire encastrer
les fers en bout, pour que le cuir se tasse.
Sur ces photos, on voit bien que le fer est totalement encastré, et
qu'il est maintenu par des vis en laiton. Le patin crêpe
est invisible, sauf à regarder sous la chaussure.
Au début, tant que la semelle n'est pas tassée,
éviter de marcher sous la pluie. Une semelle non tassée
par la marche va se gorger d'eau, puis pourra durcir en séchant, ce qui
accélèrera l'apparition de fissures.
Suivant les goûts, faire poser un patin sous la semelle. Cela permet
d'espacer (voire éviter) les ressemelages, qui sont relativement
coûteux (environ
100 euros),
contre moins de 20 euros pour la pose d'un patin.
De l'avis général, les patins rendent la semelle
imperméable, ce qui aurait tendance à la faire se fissurer
car elle ne pourrait pas respirer. Mais il faut bien être
conscient que ne pas mettre de patins use la semelle de manière
irrémédiable et irréversible, et,
(d'après mes observations) bien plus rapidement.
Ca revient donc à choisir entre la peste et le choléra.
Il semble donc que la durée de vie de la semelle ne doive pas
rentrer en compte dans le choix de la pose de patins (au contraire).
Pour finir d'aider à choisir, il faut savoir qu'il y a deux types
de patins. Les affreux Topy(nambours) en plastique dur (c'est en fait du
caoutchouc vulcanisé, mais très dur) et les patins en
crêpe soit-disant "végétal" (caoutchouc) qui sont beaucoup plus
souples (cf. photo ci-dessous), qui, en fait, sont aussi pour la plupart
aussi des Topy, mais
pas ceux "de base", avec Topy écrit dessous. La pose de patins raidit soit-disant
la semelle et rend la chaussure
moins confortable (moins de sensations transmises au pied lors de la marche).
C'est peut-être vrai pour des patins Topy de base, mais
personnellement, ayant essayé des patins crêpe après
avoir marché pendant plus de 10 ans sur du cuir, je n'ai senti aucune
différence... si ce n'est beaucoup plus d'adhérence, et
donc une amélioration certaine du confort lors de la marche (car
une semelle en cuir glisse beaucoup).
Encore un point négatif pour les patins Topy de base: plus les semelles sont
épaisses et raides, plus les plis d'aisance seront
marqués, donc les patins Topy (qui raidissent la semelle) sont
vraiment à proscrire contrairement aux patins crêpe qui
durcissent beaucoup moins la semelle car ils sont plus souples.
Pour finir, certains cordonniers disent que les patins en crêpe
naturelle sont microporeux. Renseignement pris auprès d'un
fabricant, c'est totalement faux. Les patins crêpe
empêcheront donc la semelle de respirer, et contribueront donc
à son craquelement prématuré comme de vulgaires
patins Topy, mais comme je disais
plus haut, c'est ça ou user la semelle de manière
irrémédiable...
Exemple de patin crêpe, dont on voit sur la photo qu'il est
très fin, et donc totalement invisible.
Attention : attendre au moins une journée avant de mettre des
chaussures venant de recevoir des patins, pour laisser à la colle
néoprène le temps de polymériser.
Le problème, avec l'ajout d'un patin crêpe sous la plante du
pied, c'est qu'on gagne tellement en adhérence que le talon
(même avec son insert en gomme) devient comparativement glissant,
ce qui peut conduire à faire un grand écart sur un sol
particulièrement dur et glissant (style couloir de métro).
Personnellement, je considère comme
inadmissible de me casser la figure dans des chaussures coûtant
plus de 300 euros, alors, en plus de l'ajout d'un patin, je fais
maintenant systématiquement mettre un bonbout en caoutchouc, pour
homogénéiser l'adhérence avec le patin crêpe.
Bonbout en caoutchouc ajouté sur les Richelieux Vass
présentés ci-dessus (au risque de faire hurler
les puristes... :-) et sur bottines Emling. Personnellement, après achat de soulier neufs
ou après ressemelage et après une dizaine ou une vingtaine
de ports, je fais maintenant systématiquement
mettre des patins crêpe, un fer encastré et vissé
à l'avant, et un bonbout en caoutchouc, le tout pour 40 à
50 euros
(à ajouter au prix d'achat de la chaussure ou du ressemelage,
donc, mais qui est largement regagné par la préservation de
la semelle et des soins d'hôpital).
Le résultat est invisible, mais on a enfin des chaussures
"modernes", qui n'ont rien à envier à des chaussures de
sport en ce qui concerne l'adhérence. De plus, ça permet
d'espacer les ressemelages coûteux, et qui sont toujours une
opération à risque si l'on n'est pas sûr de son
cordonnier / bottier.
Pour ceux (dont j'étais) qui préfèrent
néanmoins marcher sur du cuir,
certains conseillent de crêmer la semelle (crême incolore
pour préserver la paix des ménages, cf. ci-dessous pour les
crêmes) avant l'hiver (attention aux glissades dans les quelques
jours qui suivent :-).
La crême nourrit le cuir sans être très grasse (il
vaut mieux éviter la crême Saphir Médaille d'Or pour
cet usage, car
elle est plus grasse que la crême Saphir standard). Elle
est donc peu imperméabilisante ce qui permet à la semelle
de respirer (contrairement au cirage incolore qui, en plus, ne nourrit
pas le cuir !).
Mais là encore, d'autres ne le font pas, et trouvent que les
semelles ne vieillissent pas plus vite... et les bottiers conseillent de
ne surtout rien mettre dessus...
Enfin, pour finir, lors d'un ressemelage, on peut faire poser des
semelles ``commando'' (mais pas en Vibram, qui est le Micro$oft de la
semelle, et glisse sur le mouillé, cf. ces derby Vass Alt
Wien, par exemple). A noter que les semelles Dainite
s'usent très vite (caoutchouc tendre). Donc, si vous avez le
choix, ni Vibram, ni Dainite.
Entretien d'une tige en cuir lisse (crêmage et cirage) :
Les chaussures doivent être sèches avant crêmage ou
cirage.
Question entretien, il y a 2 types de produits : la crême et la pâte
(le cirage). La crême pénètre en profondeur et
"nourrit" le cuir. La crême teinte donc plus que la pâte (le
cirage), car elle pénètre plus (si elle est passée
sur une zone non cirée).
En comparaison, la pâte reste en surface et forme une pellicule
de cire très mince, transparente et brillante. Comme son nom l'indique, le
cirage (la pâte) est à base
de cire et d'essence de térébenthine, et ne sert qu'à
protéger et faire briller.
Après brossage pour nettoyer et dépoussiérer la
chaussure, crême et pâte s'appliquent facilement au chiffon, ce
qui rend superflu l'achat de palots et autres brosses à cirage. On
peut utiliser une vieille brosse à dents pour nettoyer et
crêmer plus précisément les coutures et la
trépointe.
Crême : Il y a quelques
années, tout le monde était unanime sur la crême Meltonian,
mais il semble que la formule ait récemment changé,
notamment, depuis le rachat de Meltonian par Sara Lee (et surtout depuis des
nouvelles normes supprimant le solvant précédemment
utilisé).
Toujours est-il qu'elle n'est plus distribuée en France. On peut la
trouver aux US (shoeshinekit,
par exemple), ou en Angleterre, mais il semble que ce soit la nouvelle
version...
Faute de bonne vieille Melto, la "crême surfine" de chez Saphir
(version Médaille d'OR 1925 ou non) est excellente (comme la plupart des
produits Avel, d'ailleurs) ainsi que la crême Grison.
La crême nourrit le cuir et le (re)colore s'il est
abîmé (éraflure, par exemple). Elle se passe
périodiquement (tous les 3 ou 4 cirages ?), ou lorsque le cuir a
souffert (après une bonne averse), en insistant bien sur les plis
d'aisance.
Attendre qu'elle sèche au minimum 1/4 d'heure (1 nuit
entière, c'est infiniment mieux) avant de lustrer au chiffon.
Noter que la crême ne pénétrera pas un glaçage
bien fait, avec la conséquence que si vous utilisez de la
crême claire sur une chaussure foncée et cirée
(à fortiori glacée), elle ne pénètrera pas,
et restera en surface, en laissant de disgrâcieuses
résurgences de crême, notamment aux plis d'aisance. Ceux-ci
seront alors soulignés au lieu d'être estompés (ce
qui n'est généralement pas l'effet souhaité).
Sur du noir, on peut utiliser n'importe quelle couleur sombre, pour
espérer obtenir des reflets (mais ne pas trop espérer tout
de même, car comme dit la chanson, noir c'est noir...).
Là encore, pour la
crême, ne pas prendre trop clair non plus.
Comme pour les pots de peinture, c'est une bonne idée de stocker
les pots de crême à l'envers, pour qu'ils se conservent plus
longtemps.
La pâte (le cirage), c'est pas pour colorer, mais pour faire
briller. Ca ne teinte pas (ou vraiment très peu) car ça ne
pénêtre pas. Attention ! la pâte incolore a tendance
à "manger" la couleur et les pigments du cuir, ce qui a comme
résultat de laisser des marques blanches. Il faut donc absolument
éviter la pâte incolore, sauf à l'utiliser à
bon escient, par exemple pour décolorer des zones trop
teintées suite à la
réalisation d'une patine, par exemple, auquel cas, il faut recirer
après avec une pâte de couleur.
Pour les pâtes, il y a à peu près unanimité sur :
La pâte Saphir Médaille d'Or 1925 (difficile à
trouver, car très intelligemment réservée par Saphir
aux bottiers et marchands de luxe, des fois qu'ils en vendent de trop
s'ils la mettaient à disposition des supermarchés et autres
Mister-Minit ...). Glace
très facilement les chaussures car elle est assez grasse, au point
que certains (dont je suis) la trouvent encrassante, et la réservent donc pour
des chaussures difficiles à glacer, ou pour démarrer une chaussure n'ayant
jamais été glacée. Personnellement, je
préfère la pâte de luxe, qui est moins grasse.
La Saphir pâte de luxe, est (pour moi) assez idéale, car
elle est beaucoup moins grasse. Une fois un bon glaçage obtenu sur
une paire de souliers, je passe en pâte de luxe.
Kiwi Parade Gloss : idéal pour briller en
société (car fait briller tout et n'importe quoi en un clin
d'oeil :-) Contient probablement du
silicone (certaines boîtes mentionnent la présence de
silicone mais pas toutes) qui
imperméabilise le cuir et finit par le faire craqueler, donc À
EVITER MÊME SI LE RÉSULTAT TEMPORAIRE EST BON. En plus de
l'imperméabilisation, le silicone pose un autre gros
problème : après avoir passé une paire au silicone,
aucune autre crême ou
cire ne tient dessus (c'est pareil pour les bombes aux silicones pour
entretenir les meubles, les caoutchoucs et plastiques de voitures : toute
réparation ultérieure devient impossible à cause des
particules de
silicone dont il est impossible de se débarrasser, et qui
empêcheront le vernis ou la
peinture de tenir).
Comme suggéré ci-dessus, éviter tout produit
contenant des silicones, pour ne pas
imperméabiliser le cuir, ce qui pourrait le faire craqueler
(n'oubliez pas que des bonnes chaussures bien entretenues doivent rester
en bonne condition au moins 10 ans, pour être d'un bon rapport
qualité/prix).
Ces pâtes ne coûtent que quelques euros (environ 3 euros) la
boîte, qui dure plus d'une année... donc autant faire
l'effort de se les procurer, plutôt que de fusiller ses beaux
souliers avec du Baranne et autre Kiwi de supermarché aux
silicones... (dans les produits de supermarché, le moins pire est
le Kiwi "prestige," mais il est difficile à glacer). Au moment de
l'achat, toujours ouvrir la boîte pour s'assurer que le contenu
n'est pas sec (ça m'est arrivé, avec une boîte
ayant dû restér depuis ces 10 dernières années
sur l'étagère).
Un dernier conseil : ne pas mettre trop de pâte pour ne
pas encrasser le cuir, ou sinon, séance de décirage
périodique à prévoir (cf. "entretien annuel" ci-dessous).
D'un point de vue général, tous les produits Avel (Saphir)
sont excellents. Pour ceux qui n'habitent pas près d'un revendeur,
la gamme complète est disponible notamment chez Valmour. Pour ne pas être trop
partial, la Pâte de Luxe est dispo chez at-cuir-renovation
(très sérieux et sympa !).
A Paris, plusieurs cordonniers et chausseurs revendent la ligne
Médaille d'Or : Croquette et Jaune (14 Rue Chauveau Lagarde -
75008), L'Atelier d'Antoine (75 rue de Miromesnil - 75008), Lomain
bottier (15/17 ave Ledru-Rollin - 75012), l'excellent bottier Dominique
Barilero (5 rue Amélie - 75007) mais aussi probablement beaucoup
d'autres... et le BHV, mais au 3ème étage et pas au
rez-de-chaussée...
Après avoir ciré une paire de souliers, on peut polir la
cire parfaitement jusqu'à rendre la surface du soulier brillante
comme... un miroir de bordel :-) (c'est l'expression utilisée par
les bottiers). L'astuce pour arriver à ce
résultat est de polir la cire avec un chiffon doux et une goutte
d'eau. Du coup, on obtient une très bonne protection du cuir de
la chaussure, lui évitant de se tacher, car peu de choses
accrochent sur la couche de cire. Une autre conséquence est que la
crême colorée ne teinte que très peu du cuir
glacé, car la crême ne traverse pas le glaçage.
En fait, glacer du cuir s'apparente à faire un vernis
au tampon en ébénisterie. Pour du vernis au tampon, l'alcool est un
lubrifiant qui s'évapore peu à peu, au fur et à mesure qu'on frotte.
Lorsqu'il n'y a plus d'alcool, le vernis est parfaitement lisse
et brillant. Lorsqu'il s'agit de glacer des souliers, on applique de la
pâte que l'on polit ensuite parfaitement en utilisant de l'eau (quelques
gouttes pas plus) comme lubrifiant. Lorsque l'eau s'est évaporée, la cire
est brillante comme un miroir. C'est un petit coup de main à prendre, car
il ne faut pas appuyer trop fort ni pas assez fort. Juste ce qu'il faut,
surtout vers la fin du glaçage où il faut juste effleurer la peau.
Le chiffon utilisé est important, car il doit être
très doux (sous peine d'accrocher, alors qu'on veut obtenir une
surface si lisse qu'elle en devient brillante)
et bien sûr, ne pas pelucher. Vieux T-shirt, ou chemise en coton sont
de très bons candidats. Mais même dans les vieux T-Shirt,
j'en ai un avec lequel le glaçage ne prend pas, alors qu'avec un
autre apparemement de même nature, ça fonctionne très
bien... Donc, ne pas hésiter à mettre le chiffon en
question si le glaçage est impossible.
Pour le glaçage, après brossage pour bien
dépoussiérer la chaussure, mettre un ou deux doigts
(l'index et possiblement le majeur) dans le chiffon replié
en deux (pour avoir deux épaisseurs mais pas
plus) et bien serrer le chiffon avec les doigts qui restent. Appliquer
un tout petit
peu de pâte sur la partie à glacer avec le chiffon, puis
humecter délicatement le chiffon dans un peu d'eau chaude (pour
que la cire fonde encore mieux), histoire d'en récupérer
une goutte seulement, et passer sur la partie à glacer avec des
mouvements circulaires assez rapides et légers.
Au bout d'un moment, un moirage apparaît sur le cirage (lorsque les
aspérités présentes sur la couche de cire deviennent
d'une taille comparable à la
longueur d'onde de la lumière incidente). C'est le début
du glaçage.
Encore une petite goutte d'eau pour continuer à polir,
puis l'eau s'évapore, les marques disparaissent et on se voit dedans.
Mâââgique.
Si le glaçage a du mal àet prendre, c'est
peut-être que la couche de cire est trop fine. Dans ce cas,
remettre un peu de pâte sur le chiffon et recommencer. Cela
ajoutera une pellicule de cire sur la précédente,
jusqu'à boucher les pores de la peau du cuir. (En ébénisterie, on
bouche les pores du bois avec de la poudre de ponce.) C'est pour cela
qu'un glaçage est imperméable et ne doit pas être fait sur des parties de
la peau qui "travaillent". Sur les bouts durs seulement (mais aussi les
contreforts au talon, les garants, etc...) mais surtout pas l'empeigne
qui lui, doit être nourri en permanence avec de la crême pour que la peau
ne craquèle pas.
Un problème est de doser correctement l'apport en eau, qui
doit être très réduit, sans quoi l'eau risque de
traverser la cire puis de mouiller le cuir (et tout est alors à
recommencer après séchage). Voici deux astuces si votre
glaçage part en plaque si vous mettez trop d'eau :
On peut prendre un petit vaporisateur, et faire un pschitt sur le
chiffon (pas sur la chaussure, on en mettrait partout !).
Si l'on trempe un doigt dans le verre d'eau, toucher la chaussure
permet de déposer une goutte d'eau exactement à l'endroit
voulu.
Mais personnellement, je touche très délicatement et
rapidement la surface de l'eau avec mon doigt dans le chiffon,
et ça marche très bien (le but étant d'humecter le
chiffon, et pas de le mouiller).
Enfin, pour finir un glaçage, la buée marche très
bien (Hââââ sur le bout de la chaussure avant de
passer le chiffon :-).
Recommencer l'opération là où vous voulez faire briller (mais
surtout pas sur les plis d'aisance). Encore une fois, attention ! Ne glacer que les
bouts durs ou les quartiers arrière, et éventuellement les
garants s'ils existent, enfin bref, là où il y n'y a pas de plis.
Plis et glaçage ne font pas bon ménage, car le
glaçage rend le cuir imperméable et le durcit. Glacer les
plis d'aisance réduirait la durée de vie de la chaussure
(contrairement au crêmage des plis, qui est fortement
conseillé).
Tous les cuirs ne sont pas égaux devant le glaçage.
Certaines fleurs sont plus faciles que d'autres à glacer, les
premiers glaçages étant les plus difficiles à
réaliser (compter au moins 1/2h pour aboutir à un premier
résultat). Sur certaines fleurs, le cirage part en plaques avant
glaçage. J'ai l'impression que c'est dû à la
porosité de la fleur. Par exemple, pour le fun, j'ai
essayé de faire un glaçage sur l'extrémité de
2 paires différentes de boots Kickers. En travaillant de la
même manière que sur des (vrais) souliers, ça part en
plaques tout de suite et on ne s'en sort pas. J'ai l'impression que
même en ne mettant qu'une goutte, la fleur pompe l'eau comme un
buvard et fait accrocher la pâte. Solution : une couche de graisse
Saphir
HP à l'huile de phoque pour imperméabiliser les parties
à glaçer (et empêcher le cuir de se mouiller
dàs la première goutte), et hop, le glaçage
(effectué avec de la pâte) ne part plus en plaques !
La version Médaille d'Or 1925 de la pâte de luxe Saphir
(ainsi d'ailleurs que la crême surfine M.O.) contient
des huiles animales qui imperméabilisent le cuir, et rend donc
le glaçage (à la pâte) plus facile sur les cuirs poreux.
Deux exemples de glaçage, sur Church's Belmont et Chetwynd (non
traitées Bookbinder) portées depuis 1995 (11 ans
d'âge), et autoportrait dans le bout droit glacé des
bottines Emling présentées dans la section "bottines"
(ci-dessus) et "patine" (ci-dessous).
On notera que la forme de la Belmont est un peu trop haute pour mon pied,
avec pour conséquence de disgrâcieux plis d'aisance, qui ne
se sont pas formés sur les Chetwynd (qui me vont maintenant comme
un gant). Une autre possibilité est qu'à la découpe,
le cuir de la tige ait été mal orienté, avec le
prêtant dans le mauvais sens sur la Belmont, contrairement à
la Chetwynd...
Ensuite, après un premier glaçage réussi,
les glaçages deviennent de plus en plus faciles et rapides à
réaliser. Pour ne rien gâcher, ils deviennent, plus brillants
et acquièrent plus de "profondeur,"
jusqu'à devenir de vrais miroirs (pour un super résultat,
Marc Guyot propose d'effectuer un
glaçage "à chaud," consistant à passer sur le cuir
une couche de cirage liquide (chauffé), pour bien remplir toutes les
et micro-fissures et petits trous, puis passer une peau de chamois ou une
boule de bas 10mn après en frottant vigoureusement, avant de finir
enfin par un glaçage effectué avec une pâte
à température normale).
Glacer avec les embauchoirs dans les chaussures, bien sûr.
Une fois glacée, une chaussure s'entretien en brossant, puis en lui
redonnant du brillant en la frottant avec idéalement une peau
lainée (style peau de mouton avec la laine dessus), ou un gant
lustreur (acheté en supermarché rayon auto), ou un bas
nylon, ou une peau de chamois (aussi achetée au rayon auto des
supermarchés).
Quand ca commence à marcher moins bien, reglaçage.
Entretien annuel :
Certains conseillent de décirer la chaussure une fois par an, en
frottant délicatement la chaussure avec un chiffon imbibé
de térébenthine (le solvant du cirage) ou
légèrement imbibé d'acétone (solvant puissant
et dégraissant).
Ensuite, crêmage (ou rénovateur à l'huile de vison
si la chaussure a souffert) pour nourrir le cuir, puis cirage et
glaçage, et c'est reparti pour un an...
On rentre là dans le domaine de l'art et de l'expérience,
et il faudrait dédier plusieurs pages à ce sujet.
La patine artificielle la plus simple à réaliser
consiste, sur une chaussure claire, à foncer les endroits dont
on ne veut pas qu'ils soient patinés avec de la crême de
couleur plus foncée (ne pas oublier que la patine est
censée simuler la décoloration due au frottement : les
zones patinées
sont donc normalement plus claires, et sur les parties convexes de la
chaussure (bout, côté, quartiers)).
Partir de chaussures foncées est nettement moins simple, car il
faut soit :
simuler la patine naturelle en éclaircissant la chaussure
aux endroits où la patine est censée apparaître,
et, pour le patinage artistique, reteinter d'une autre couleur
généralement plus claire, ou
éclaircir toute la chaussure, teinter complètement
de la couleur désirée pour la patine (couleur claire),
teinter une deuxième fois avec la couleur définitive
(couleur plus foncée, pas forcément de même
tonalité), puis enlever la teinture fonçée pour
retrouver la première couche de couleur claire aux endroits
désirés (bout, par exemple). Marc Guyot fournit un
superbe exemple
illustré sur son site web.
Quelque soit ce que l'on veut faire, dans les cas où l'on veut
éclaircir ou modifier la couleur d'une partie de la chaussure,
il faut commencer par enlever la couche de cire (cirage)
à la térébenthine ou à l'acétone. Pour
éviter les auréoles, il vaut mieux passer toute la
chaussure à l'acétone, plutôt qu'uniquement la partie
à éclaircir.
Voici un petit exemple personnel sur les bottines Emling achetées
en soldes (cf. haut de la page) :
Bottines Emling neuves (la chaussure droite (à gauche) est
glacée).
Sur la photo de droite, on voit la chaussure droite
après décapage à l'acétone, en insistant sur
les parties à éclaircir (au goût de chacun).
Si l'application de térébenthine ou d'acétone
n'a pas déjà suffisamment éclairci la chaussure,
appliquer de l'eau écarlate coupée d'un peu d'eau
(non écarlate) ou de l'eau de javel diluée (plus agressif),
en tamponnant, tout en essayant de ne pas
trop abîmer la fleur.
Ensuite, (très important) rincer
très très abondamment à l'eau : s'il reste
des traces de javel ou d'eau écarlate, le
cuir continuera à blanchir, même après application de
la patine.
Une fois le cuir suffisamment rincé et séché, ne pas
passer de crême incolore :
Pour reteindre à la crême, passez de la crême
colorée sur la chaussure décapée.
Certains recommandent de commencer par passer du
rénovateur à l'huile de vison incolore (Saphir, par exemple)
avant la crême, pour soigner la fleur après le traitement
subi, mais alors, il faut prendre de la crême contenant aussi de
l'huile, comme la version Médaille d'Or de la crême surfine Avel.
Une crême en phase aqueuse (crême surfine
standard Avel, par exemple) elle ne tiendra pas sur le cuir devenu
gras.
Si vous voulez teindre à la teinture (et pas à la
crême colorée), allez-y directement.
Ne pas oublier de prendre la crême ou la teinture toujours plus claire que le résultat voulu.
En ce qui concerne la teinture, il semble y avoir consensus sur la
teinture Avel "aux drapeaux".
Après obtention de la patine désirée, cirage et
glaçage. Facile, non ?
Mais pour commencer, il vaut tout de même mieux s'entraîner
avec une paire de chaussures ordinaires...
Sur les Emling décapées ci-dessus, j'ai passé de la
crême rouge vif sur les parties éclaircies à
l'acétone, et un mélange de crême noir/marron sur les
parties foncées. Voici le résultat après
glaçage (qui correspond à ce que je voulais, mais qui peut ne
pas être du goût de tous) :
Résultat de la patine après glaçage... C'est une
patine effectuée à la crême seulement (pas à
la teinture).
Et voici donc la comparaison avant/après :
Résultat de la patine après glaçage... C'est une
patine effectuée à la crême seulement (pas à
la teinture).
Petite astuce pour garder des parties claires : si vous passez de la pâte
uniformément sur les parties teintes à la crême,
votre belle patine va disparaître, car la
térébenthine présente dans la pâte va
dissoudre la crême foncée, et l'emmener sur les parties
claires. Résultat, vous aurez une belle chaussure bien
homogène.
Pour conserver des parties claires (comme ci-dessus), il faut commencer
par cirer et glacer les parties foncées uniquement. Le
glaçage protègera la crême foncée de la
térébenthine contenue dans la pâte, et dans un
deuxième temps, vous pourrez glacer les parties claires, sans que
la crême foncée ne vienne baver sur les parties claires.
Dans l'exemple ci-dessus, j'ai voulu conserver des frontières
relativement franches pour affiner le bout par effet d'optique, en
donnant l'impression visuelle que le bout droit est moins rond qu'il ne
l'est réellement. Mais pour ceux qui veulent
réaliser un beau dégradé, glacez dans un
premier temps les parties les plus foncées, mais sans aller
jusqu'au bord de la partie foncée. Dans un deuxième temps,
glacer la frontière foncée/claire (mais sans mordre sur la
partie bien claire) ce qui aura pour effet de créer un
dégradé (grâce à la crême foncée
qui bavera sur la frontière claire).
Dans un troisième
temps, glacer les parties les plus claires (plus rien ne dégorgera
dessus, car les parties foncées, et les dégradés
seront déjà glacés.
Une fois que le glaçage est effectué, les crêmages
ultérieurs n'auront qu'un effet très léger sur la
teinte de la chaussure, car la protection réalisée par la
cire glacée est très efficace : la crême
teintée ne "prendra" pas sur le glaçage. L'implication est
que, si vous n'êtes pas satisfaits du résultat après
glaçage, il faudra à nouveau enlever le glaçage
à l'acétone pour revenir au cuir non protégé,
pour reteindre comme vous le désiriez, avant de glacer à
nouveau.
Cuir gras :
Il s'agit du type de cuir qu'on trouve sur les chaussures "outdoor"
devant résister aux intempéries (bottines Paraboot,
Heschung, Hardrige (anciennement Trappeur), ...).
Pour les vrais, les tatoués (motards, randonneurs ...), ce type de
cuir s'entretien avec rien moins que de la graisse de phoque et
périodiquement, de la crême colorée.
Pour les outdoormen des villes,
un petit passage d'huile de vison ou d'huile de pied de boeuf
redonnera un bon coup de jeune aux chaussures moins
sollicitées. Une application à chaud permettra de mieux
faire pénêtrer l'huile ou la graisse. Pour cela,
après application avec un chiffon, il suffit de chauffer
la chaussure au sèche-cheveux et essuyer le surplus.
Attention : les huiles ont tendance à beaucoup détendre et
assouplir le cuir, au point de le ramollir et de diminuer le maintien des
chaussures de randonnée.
Nubuck, veau velours, "daim," ...
Le nubuck est du cuir, dont la fleur a été poncée
pour obtenir un aspect velouté. Le veau velours est du cuir
présenté côté chair.
L'aspect du veau velours est plus grossier que celui du nubuck.
Le "daim" n'est plus fait en daim depuis fort longtemps, et sert
simplement à décrire le veau-velours ou le nubuck,
lorsqu'on ne sait pas trop de quoi il s'agit...
Au contraire du cuir lisse, que l'on préfère patiné
et (bien) vieilli, toutes ces finitions velours doivent garder leur
apparence d'origine et l'aspect du neuf. Comme cette finition (souvent
obtenue par ponçage) est
plus poreuse que le cuir lisse, elle se tache facilement, et il est
donc très important (dès l'achat)
de commencer par imperméabiliser la chaussure avec une bombe,
après l'avoir brossée à rebrousse poil (brossage
toujours du bout vers les contreforts).
L'entretien journalier consiste à brosser les chaussures dans le
sens des fibres. Si la chaussure est détrempée
(après un orage, par exemple), l'essuyer dans le sens des fibres
et laisser sécher sur embauchoirs (cf. ci-dessus).
Lorsqu'elles sont vraiment encrassées, l'Omni-Nettoyant Saphir
Médaille d'Or marche très bien.
Pour enlever les taches ou les zones lustrées et devenues
brillantes par frottement, on peut utiliser une
gomme spéciale nubuck, légèrement abrasive, qui
décollera les fibres et permettra de récupérer
la texture velours. Au début, la brosse crêpe est moins
agressive que la gomme jusqu'à ce qu'elle chauffe. Après,
sa consistance change et elle devient "collante."
Si la surface est vraiment très abîmée, on peut
passer un petit coup de papier abrasif (240).
Enfin, il est possible de redonner de la couleur avec des sprays
colorants.
Cuir verni
Là aussi, nettoyer avec un peu d'eau savonneuse est la chose la
plus simple. Pour un entretien plus poussé, il faut des produits
contenant de la lanoline (qui se trouve aussi en spray (faire attention
car la lanoline peut causer des allergies)). Certains conseillent
aussi du lait Nivéa ou du démaquillant, ou du lait
Mixa Bébé (ou équivalent) mais je n'ai
jamais essayé aucune de ces techniques... car je n'ai
pas de souliers vernis !
Sinon, Avel fait du vernis ``RIFE'' en aérosol ou en liquide pour
tous les cuirs vernis.
Concernant le mystérieux "double" noeud (très utile si vos
lacets cirés ont tendance à se défaire), suivez ce
lien (trouvé par "Fabicheri", toujours sur Depiedencap) pour enfin
voir une belle vidéo montrant comment le faire.
Merci encore à tous ceux qui ont eu la gentillesse de me fournir
des photos que je ne pouvais pas faire moi-même (J.-M. O., E.
Haffner, S. Dugué, A. Boniface, B. Zabriskie).
D'après WebCounter, vous
êtes
à avoir lu cette page depuis le 12 février 2006 !